La COVID-19 : un impact majeur sur la qualité de vie et la santé des femmes au Québec
Communiqué rédigé par l'Association pour la santé publique du Québec (ASPQ) et l'Observatoire québécois des inégalités
Montréal, 11 décembre 2020 – La pandémie a entraîné de graves conséquences sur la santé et la qualité de vie des femmes et creuse davantage les inégalités existantes entre les femmes et les hommes, notamment en matière d’emploi et de conciliation famille-travail-études.
C’est le constat[1] que dresse le rapport conjoint dévoilé ce matin et réalisé par l’Association pour la santé publique du Québec (ASPQ) et l’Observatoire québécois des inégalités (OQI) avec la contribution de plus de
1 500 femmes au Québec et d’autres partenaires[2].
« Le sondage révèle que plus de femmes que d’hommes ont perdu leur emploi, soit temporairement soit définitivement durant la crise sanitaire. Elles vivent une grande précarité sociale qui leur fait craindre de ne pas pouvoir faire face à leurs obligations financières, ce qui a des répercussions majeures sur leur santé physique et mentale », constate Marianne Dessureault, porte- parole de l’ASPQ. Elle ajoute également que : « Les femmes qui ont gardé leur emploi ont dû transformer complètement leur quotidien. S’occuper des tout-petits et accomplir leurs tâches professionnelles en parallèle est extrêmement complexe : tout en diminuant leurs heures de travail, elles doivent répondre aux mêmes objectifs et contourner les problèmes engendrés par la fermeture des écoles et des services de garde ou la suspension des activités de loisirs des enfants. »
« Les répercussions de la COVID-19 mises en relief dans le sondage et par les organisations partenaires sont convergentes ou complémentaires avec les résultats de la revue de littérature », indique Sandy Torres, rédactrice-analyste à l'Observatoire québécois des inégalités. Elle souligne : « La littérature examinée nous apprend que toutes les sphères de la vie des femmes sont affectées par la crise sanitaire. Mais les inégalités existantes en matière d'emploi se sont aggravées et cette aggravation fait même craindre un recul de l'égalité entre les sexes ».
La situation d'urgence sanitaire a également engendré d’autres conséquences disproportionnées sur la santé physique et mentale des femmes et sur leur qualité de vie :
- La surexposition au risque d'infection en raison de la prédominance des femmes dans le secteur de la santé;
- La charge familiale accrue;
- La diminution des revenus;
- Et l’augmentation de situations de violence et d'exploitation.
Pour pallier cette situation, l’ASPQ, l’Observatoire québécois des inégalités et leurs partenaires recommandent[3] notamment au gouvernement d’appliquer l’analyse différenciée selon les sexes et intersectionnelle (ADS+) dans tous ses règlements, lois, politiques et plans d’action. L'ADS+ permet d’agir avec efficacité sur les inégalités et de réduire les écarts entre les femmes et les hommes. De plus, ces organismes proposent une politique et un plan d’action spécifiques à la santé et à la qualité de vie des femmes afin de soutenir des actions structurantes et des projets susceptibles de réduire les inégalités exacerbées par la pandémie. Selon eux, il est crucial de soutenir la conciliation famille-travail-études par des mesures d’accommodement pour les parents qui ont des enfants confinés; un accès à des services de garde éducatifs répondant aux besoins des parents des tout-petits; l'autorisation et le financement de services supplémentaires de halte-garderie et de répit pour garder des enfants à besoins particuliers.
Ce projet a été financé par le Secrétariat à la condition féminine.
- 30 -
À propos de l’Association pour la santé publique du Québec (ASPQ)
L’ASPQ regroupe citoyens et partenaires pour faire de la santé durable, par la prévention, une priorité. Elle soutient le développement social et économique par la promotion d’une conception durable de la santé et du bien-être. La santé durable s’appuie sur une vision à long terme qui, tout en fournissant des soins à tous, s’assure aussi de les garder en santé par la prévention. www.aspq.org
À propos de l’Observatoire québécois des inégalités
Basé à l’Université de Montréal, l’Observatoire québécois des inégalités est un courtier de connaissances scientifiques qui éclaire les réflexions et les prises de décision concernant les inégalités de revenu, d’opportunité et de qualité de vie. www.observatoiredesinegalites.com
Pour l’ASPQ : Jean Alexandre
Responsable des communications et de la collecte de fonds-ASPQ
Cellulaire : 514-442-7119 - Courriel : jalexandre@aspq.org
Pour l’Observatoire québécois des inégalités : Geneviève Joseph
Responsable des communications – Observatoire québécois des inégalités
Cellulaire : 514-805-7893 – Courriel : g.joseph@observatoiredesinegalites.com
ANNEXE
Des actions concrètes pour soutenir les femmes au Québec
Afin de pallier cette situation, les 14 organismes à l’origine de ce rapport proposent :
- D’appliquer l’analyse différenciée selon les sexes et intersectionnelle (ADS+) dans tous règlements, lois, politiques et plans d’action gouvernementaux qui donne une vision claire des inégalités systémiques et permet ainsi d’agir avec efficacité et de réduire les écarts entre les femmes et les hommes.
- De garantir des conditions de vie décentes, notamment en réévaluant le montant de l’aide sociale pour assurer aux femmes, surtout aux familles monoparentales, des conditions de vie suffisantes et en augmentant le salaire minimum à au moins 15 $ par heure[4]; en repensant la rémunération de certains métiers à prédominance féminine, notamment ceux liés à l’éducation des enfants, qui demeurent moins bien payés que des professions masculines équivalentes; et en misant sur des programmes réduisant les inégalités sociales (accès au logement, allocations de soutien au revenu).
- Étudier les effets du télétravail en portant une attention particulière aux femmes. Sachant que les femmes sont surreprésentées parmi les télétravailleurs et que des risques pour la santé mentale peuvent y être associés, elles auront besoin d’être outillées et accompagnées. Cette aide permettrait d’éviter de surcharger la journée de travail avec des tâches ménagères et de s’accorder les pauses et les coupures nécessaires entre le travail et la vie personnelle.
- Accroître le financement des organismes desservant spécifiquement les femmes. Il s’agit de soutien aux entrepreneures, aux femmes à la recherche d’emploi, aux futures et nouvelles mères, aux femmes vivant de la violence, en situation d’itinérance, autochtones, racisées ou immigrantes, aux personnes dites défavorisées ou autres, les besoins exacerbés par la pandémie.
- Proposer une politique et un plan d’action spécifiques à la santé et à la qualité de vie des femmes afin de soutenir des actions structurantes et des projets susceptibles de répondre aux problématiques exacerbées par la pandémie.
- Soutenir la conciliation famille-travail-études :
- Proposer des mesures d’accommodement pour les parents qui ont des enfants confinés;
- Proposer l’accès à des services de garde éducatifs répondant aux besoins des parents des tout-petits;
- Autoriser et mieux financer les services de halte-garderie ainsi que les services spécialisés de répit pour garder des enfants à besoins particuliers.
- Accompagner la réussite scolaire des enfants pour réduire le stress parental, en ajustant et en intensifiant les services pour les élèves en difficulté et en assurant une continuité de l’éducation pour tout enfant devant s’isoler.
- Assurer des services adaptés à la pandémie pour les femmes enceintes et les nouvelles mères, en favorisant le réseautage; en respectant leurs droits pour éviter des accouchements traumatisants et permettre d’atteindre le meilleur état de santé mentale possible pour prendre soin de leur bébé.
- Clarifier les consignes liées à l’accès aux soins pendant la pandémie et faciliter leur accès.
- Assurer un accès suffisant et adapté aux services pour les femmes autochtones, en leur garantissant l’accès à des soins de santé et des services sociaux dénués de racisme et de préjugés afin de promouvoir leur santé, leur intégrité et leur sécurité.
- Multiplier les actions visant à contrer la violence faite aux femmes et l’exploitation sexuelle. Il serait souhaitable de privilégier l’éducation, la prévention, l’identification des cas à risque, des ressources d’aide adaptées et l’application stricte de la Loi sur la protection des collectivités et des personnes victimes d’exploitation, dont la criminalisation des clients prostitueurs et des proxénètes.
- Soutenir l’emploi et l’entrepreneuriat féminin, notamment par la mise en place de programmes de formation donnant accès à des emplois technologiques.
Des constats inquiétants : Faits saillants du sondage Santé et qualité de vie des femmes au Québec
Habitude de vie et consommation de substances
- 25 % des consommatrices disent prendre plus de cannabis qu’avant la pandémie.
- 22 % des femmes déclarent encore consommer plus d’alcool qu’avant la pandémie.
- 37 % des fumeuses de cigarettes soulignent aussi fumer plus qu’avant.
- 41 % des femmes indiquent manger plus de malbouffe depuis la pandémie (56 % chez les 18-34 ans).
- 45 % des femmes indiquent être plus préoccupées par leur poids qu’avant la pandémie : chez les jeunes de 18-34 ans, cette proportion atteint 52 %.
Emploi et revenu
- 3 % des femmes ont perdu leur emploi définitivement.
- 4 % l’ont perdu temporairement.
- 35 % des étudiantes ont perdu puis trouvé un autre emploi par la suite; 44,5 % à travers les communautés lesbiennes.
- 23 % des répondantes ont subi une diminution de leur niveau de revenu.
- 36 % des femmes ayant des enfants en garde partagée affirment craindre de ne pas pouvoir faire face à leurs obligations financières.
- 57 % des femmes ont connu une variation de leur revenu à la baisse depuis le début de la pandémie.
- Près de 50 % des femmes au Québec font du télétravail à l’exception des régions hors Montréal et de la Capitale-Nationale.
Travail domestique et soutien aux proches
- 34 % des femmes affirment offrir davantage d’aide ou de soins gratuitement à un.e proche.
- 76 % rapportent être principalement responsables de la gestion des repas et de l’épicerie depuis le début de la pandémie.
Conciliation famille-travail-études
- 51 % des femmes 18-34 ans considèrent comme difficile la conciliation famille-travail-études; cette proportion baisse à 39 % pour les 35-54 ans et à 20 % pour les plus de 55 ans.
Éducation et soin des enfants
- 53 % des femmes indiquent qu’elles sont principalement responsables de l’éducation ou de la scolarité de leurs enfants.
- 49 %) des femmes de 35-44 ans; et 65 % de celles de plus de 55 ans vivent du stress lié à la réussite scolaire de leurs enfants.
- 40 % des femmes trouvent que s’assurer que leurs enfants respectent les mesures sanitaires est une grande source de stress.
- 59 % des répondantes trouvent épuisant de s’occuper des enfants tout en faisant du télétravail ; ce pourcentage grimpe à 71 % chez les 18-34 ans.
Stress et santé mentale
- 17 % des femmes affirment s’être senties déprimées, désespérées, agitées, ou anxieuses. C’est 31 % pour les jeunes femmes âgées de 18-34 ans.
- 65 % des femmes considèrent leur niveau de stress plus élevé qu’avant la pandémie; 70 % chez les 18-34 ans.
- 79 % des femmes ont peur qu’un proche contracte la COVID-19; 67 % d’être elles-mêmes infectées.
- 63 % des femmes se sentent plus seules ou isolées.
Violence
- Les jeunes femmes de 18-34 ans sont deux fois plus nombreuses que les femmes plus âgées à rapporter avoir été victimes de gestes de violence physique:
- 5 % déclarent avoir été frappées ou secouées;
- 4 % indiquent avoir été forcées à avoir une relation sexuelle.
- 21 % de ces femmes auraient été victimes de violence verbale : ont été traitées de folles depuis le début de la pandémie (c. 11 % pour l’ensemble des femmes).
- 12 % ont été dénigrées physiquement (c. 7 % tous âges confondus).
- 29 % des femmes victimes de sexisme, de brutalité ou de violence sexuelle auraient été agressées plus fréquemment depuis le début de la pandémie.
- 23 % des femmes se sont abstenues de répondre à la question concernant la fréquence des incidents.
Accès aux soins et services de santé
- Pour 35 % des femmes, certains rendez-vous médicaux ont été reportés ou annulés.
[1] Liste des constats en annexe
[2] l’Association québécoise des centres de la petite enfance, la Fédération des associations de familles monoparentales et recomposées du Québec, la Fondation Olo, le Forum économique international des Noirs, l’Observatoire des tout-petits de la Fondation Lucie et André Chagnon, l’Ordre des sages-femmes du Québec, le Regroupement des centres d’amitié autochtones du Québec, le Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale, le Réseau des lesbiennes du Québec, le Réseau québécois d’action pour la santé des femmes (RQASF), la Chaire de recherche Événements traumatiques, santé mentale et résilience de l’Université du Québec à Chicoutimi, Le Projet Prospérité et le Y des femmes de Montréal.
[3] Aperçu des recommandations, page 3 et 4
[4] À noter que la revendication d’un salaire minimum à 15 $/heure date de 2016 et ne tient pas compte des hausses successives du coût de la vie qui ont eu lieu depuis. Ce montant fait l’objet d’une révision à la hausse. Par exemple, une note économique de l’IRIS suggère que le revenu minimum viable serait de 18 $/heure pour une personne seule vivant à Montréal. Voir https://cdn.iris-recherche.qc.ca/uploads/publication/file/Acces_au_revevu_viable_WEB.pdf.
Autres actualités
-
Actualités10 décembre 2024
École d'été de l'UQAM 2025 : les inscriptions sont ouvertes!
-
Chroniques10 décembre 2024
Régime québécois d’assurance parentale : trois pistes pour le bonifier
-
Chroniques9 décembre 2024
Tendre l’oreille aux pères qui ont un enfant gravement malade
-
Actualités5 décembre 2024
Santé et développement des enfants montréalais : la direction de santé publique publie son rapport
-
Éditos de Julie13 novembre 2024
Des inégalités dès la petite enfance
-
Actualités28 octobre 2024
L'Observatoire recrute un.e conseiller.ère, communications et affaires publiques